Le Temps
Yan Pauchaurd
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Des conseillers nationaux PLR, dont Nadine Gobet, ont déposé une motion exigeant que le Conseil fédéral renonce immédiatement à cette mesure jugée disproportionnée. Le texte devrait susciter une certaine adhésion à gauche.
La Suisse est sur le point d’interdire totalement les adoptions d’enfants en provenance de l’étranger. Drastique, la décision du Conseil fédéral, annoncée le 29 janvier par le socialiste Beat Jans, suscite de nombreuses réactions. La fronde s’organise contre la mesure, notamment au sein du PLR, dont les conseillers nationaux siégeant à la Commission des affaires juridiques (CAJ) viennent de déposer une motion. Le texte exige que le Conseil fédéral renonce immédiatement à ce projet d’interdiction.
«Une interdiction généralisée de ces adoptions est extrême et disproportionnée», réagit l’une des motionnaires, la Fribourgeoise Nadine Gobet. La conseillère nationale est elle-même concernée par la thématique; sa filleule, malvoyante, a été adoptée au début des années 1980 au Liban en pleine guerre civile. «Quelle aurait été sa vie, si elle était restée dans son orphelinat? s’interroge l’élue. La décision du Conseil fédéral jette le discrédit sur l’adoption, alors que cela a offert un avenir et une famille à de nombreux enfants.»
Nombreuses irrégularités
Pour rappel, le Conseil fédéral a justifié sa décision par la nécessité de lutter contre les abus, de nombreuses irrégularités s’étant produites en matière d’adoption. Le cas du Sri Lanka est le plus emblématique: entre les années 1970 et 1990, quelque 880 enfants sont arrivés en Suisse issus de véritables réseaux de trafic d’êtres humains. Le gouvernement s’appuie sur le rapport d’un groupe d’experts indépendants ayant conclu que l’interdiction demeurait l’option la plus efficace.
Pour Nadine Gobet, il y avait d’autres options à envisager pour limiter les abus, comme le renforcement des contrôles ou l’exclusion de l’adoption des pays jugés à risque. En septembre 2024, le conseiller national soleurois du Centre, Stefan Müller-Altermatt, déposait par exemple une motion demandant la création d’un organisme centralisé et indépendant par la Confédération, chargé de contrôler les procédures.
«Le bien-être de l’enfant doit être placé au centre de nos préoccupations, mais il doit être possible de trouver un chemin pour assurer des adoptions dans des conditions éthiques et transparentes», conclut la PLR. Nadine Gobet s’inquiète enfin de l’«insécurité juridique majeure» dans laquelle sont plongées les familles qui sont en cours de procédures ou sur le point d’en entamer une, alors que le projet de loi est attendu pour la fin de l’année 2026.
«Décision peu courageuse»
La démarche du PLR pourrait dépasser les habituels clivages politiques. «La motion est un contre-signal qui démontre le scepticisme du parlement envers une interdiction généralisée des adoptions», reconnaît le conseiller national vaudois Raphaël Mahaim, également membre de la CAJ. L’élu vert demeure très réservé sur la décision du Conseil fédéral. «C’est une politique de l’Autruche peu courageuse et indigne du rôle de la Suisse dans la défense des droits de l’enfant», tranche l’avocat de profession.
Raphaël Mahaim plaide pour une intensification de la collaboration avec les autres Etats pour améliorer les conditions d’adoptions. «Tout interdire aujourd’hui, c’est détourner le regard et laisser le trafic d’enfants se poursuivre dans d’autres pays», estime l’écologiste. Il est prêt à proposer des pistes, comme la priorisation de l’adoption nationale ou la constitution de tribunaux spécialisés pour accompagner les procédures. Les débats ces prochains mois aux Chambres fédérales promettent d’être nourris même si, dans les faits, le nombre d’adoption en Suisse a chuté de 560 enfants en 2004 à seulement 35 en 2020.