La Liberté - 04.08.2024
Marc-Roland Zoellig
Lire l'article
Le Conseil d’Etat a récemment demandé à la députation fribourgeoise à Berne de mettre un coup de pression au Conseil fédéral. Objectif: obtenir une accélération des procédures d’expulsion visant plusieurs dizaines de multirécidivistes originaires d’Algérie, du Maroc et de Tunisie.
Vols dans des véhicules, vols à l’étalage, troubles à l’ordre public, violations de l’interdiction de périmètre… Plusieurs dizaines de requérants d’asile originaires du Maghreb contribuent à alimenter un climat délétère en ville de Fribourg, mais aussi ailleurs dans le canton. A tel point que la police cantonale a mis sur pied, en avril 2023, une task force occupant quatre à six agents 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 afin de contrer leurs agissements.
«Mais cet effort s’apparente à la tâche de Sisyphe», déplore le conseiller d’Etat Romain Collaud, chef de la Direction de la sécurité, de la justice et du sport (DSJS). «Car si nous rencontrons du succès en matière d’arrestation et de condamnation des auteurs, nous devons constater qu’ils reprennent leurs activités délictuelles une fois leur peine accomplie, sans qu’on puisse, lorsqu’une telle décision est prise, les renvoyer de Suisse.»
Le Conseil d’Etat a donc sollicité, fin mai, la députation fribourgeoise à Berne pour qu’elle mette un petit coup de pression sur le Conseil fédéral. Objectif: obtenir un traitement plus rapide des dossiers de cette minorité de requérants multirécidivistes, ainsi qu’une facilitation des procédures d’expulsion.
«Leurs agissements rejaillissent négativement sur l’ensemble des requérants d’asile, qui dans leur grande majorité ne posent pas de problème», tient à relever Romain Collaud. Selon la DSJS, ces individus originaires pour la plupart d’Algérie, du Maroc et de Tunisie commettent près de 95% des actes de délinquance imputables à l’ensemble des personnes relevant de l’asile.
Parcours violents
Selon le commandant de la police fribourgeoise Philippe Allain, on parle ici d’une septantaine, peut-être d’une huitantaine d’individus. «Ces personnes sont souvent dépendantes à diverses substances et ont des parcours migratoires compliqués et violents. Il s’agit d’un problème très sensible.» Fribourg n’est pas seul concerné par cette criminalité liée à l’asile: Neuchâtel et Glaris le sont aussi, constate Philippe Allain. «En réalité, tous les cantons sont plus ou moins impactés.»
Romain Collaud abonde: «Le phénomène de la délinquance par métier de ressortissants d’Afrique du Nord est attesté partout en Suisse, et sans doute avec une intensité particulière en Suisse romande, où ils sont peut-être davantage attribués en raison de leur maîtrise du français.» Porte-parole de la police fribourgeoise, Martial Pugin note que les auteurs d’infractions identifiés sont principalement des hommes âgés de 20 à 29 ans.
«Dans un peu plus de 55% des cas, ils sont enregistrés dans un foyer du canton. Environ 20% sont sans domicile connu et le solde est enregistré hors canton», détaille-t-il, en soulignant que seules 10 à 15% des personnes issues de l’asile posent problème. Il ajoute que les forces de l’ordre font, depuis plusieurs années, de la prévention dans les foyers d’accueil, notamment en matière de comportement à adopter dans l’espace public.
«Juste, mais ferme»
Conseillère nationale libérale-radicale, la Gruérienne Nadine Gobet confirme avoir été sensibilisée à ce phénomène lors de la traditionnelle rencontre organisée, avant chaque session des Chambres fédérales, entre le Conseil d’Etat et la députation fribourgeoise. «Il a aussi été question de la surcharge de travail engendrée par les dernières modifications du Code de procédure pénale. Une analyse des ressources du pouvoir judiciaire est en cours, avons-nous appris au sein de la Commission des affaires juridiques du Conseil national. En priorisant les dossiers ayant un fort impact sur la sécurité publique plutôt que de se focaliser sur des affaires de moindre gravité ou des fautes légères, on pourrait peut-être lutter plus efficacement contre des phénomènes comme cette criminalité migratoire», avance la conseillère nationale.
Elle ajoute avoir échangé avec des tenanciers d’établissements publics fribourgeois, qui lui ont confirmé que la situation s’était dégradée. «Des mesures concrètes doivent être prises pour limiter les entraves à l’action policière, mais aussi rendre le système plus dissuasif. A ce titre, je salue l’action du conseiller fédéral Beat Jans, qui a préconisé un traitement en 24 heures des demandes d’asile émanant de ressortissants d’Afrique du Nord, qui ont peu de chances d’aboutir. Cela va dans le sens d’une politique d’asile juste, mais ferme.»
L’action du nouveau chef socialiste du Département fédéral de justice et police est également saluée par Romain Collaud: «Beat Jans a pris le taureau par les cornes dès son arrivée. J’ai confiance dans sa ferme volonté de faire évoluer favorablement ce dossier.»
Reste qu’il est aujourd’hui extrêmement compliqué de renvoyer des personnes réfractaires vers les pays du Maghreb, en raison des conditions que ceux-ci posent, ajoute le conseiller d’Etat. «Il faut dire qu’ils ne sont probablement pas très motivés à reprendre des ressortissants qui, pour beaucoup, étaient déjà délinquants dans leur pays d’origine avant de déployer leurs activités en Europe.»